Les coulisses : l’hôpital raconté par les professionnels
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Ce qui m’a marqué, quand je suis allé au CECOS…
Ce qui m’a marqué, quand je suis allé au CECOS…Thierry, 59 ans, habitant de Clermont‑Ferrand
2:0200:00 / 2:02Ce qui m’a marqué, quand je suis allé au CECOS, je pense que le service avait décidé de bizuter une jeune femme qui commençait son internat, et c’est elle qui a été obligée de me recevoir, c’est à dire qu’elle a reçu un homme de 35 ans, qui venait d’apprendre qu’il allait être stérile, qu’il aurait un traitement en médecine nucléaire et il fallait qu’elle m’explique toutes les procédures. Et c’était du bizutage. J’y suis allé trois fois, pour des prises de sang de dépistage sur toutes les MST imaginables. Et la troisième fois, elle m’a dit « si vous saviez comme je vous suis reconnaissante, parce qu’en fait ils m’ont bizutée. C’est toujours un médecin homme ou un médecin expérimenté qui reçoit un célibataire de 35 ans pour ce genre d’examen, jamais une jeune femme de 26 ou 27 ans ». Elle m’a dit « j’étais contente de voir qui vous étiez parce que j’avais peur ». Déjà pour moi aussi parce qu’elle posait des questions très intimes et je me disais « c’est pas possible, ils l’ont choisie !! » Ben oui, ils l’avaient choisie, en fait. Et après j’ai retrouvé cette jeune femme deux ans après à Montpied. J’attendais dans le hall mon tour et c’est elle qui est venue me dire bonjour parce qu’elle se rappelait de moi. Et je lui ai dit « c’est gentil », mais elle m’a dit « vous ne vous rendez pas compte ! Mon premier patient au CECOS, ça aurait pu me bousiller ma carrière ! » Voilà le souvenir du CECOS, c’est qu’ils s’amusaient bien.
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Dans les sous-sols, l’hôpital avait ses boulangers, ses charcutiers, ses bouchers…
Dans les sous-sols, l’hôpital avait ses boulangers, ses…Colette, ancienne cadre infirmière puéricultrice
0:3300:00 / 0:33Dans les sous-sols, l’hôpital avait ses boulangers, ses charcutiers, ses bouchers, ses maçons, sa cave. Donc on vivait un peu en autarcie finalement […] Après ils sont partis à l’Hôpital Général. En 60 c’était terminé par contre, il n’y avait plus ces corps de métiers qui avaient disparus […] Il y avait la ferme de Saint-Beauzir qui fournissait les cochons … L’hôpital avait sa ferme.
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Des secrets, oui bien sûr, comme dans tous les…
Des secrets, oui bien sûr, comme dans tous les…Martine, 66 ans, ancienne sage-femme
1:4200:00 / 1:42Des secrets, oui bien sûr, comme dans tous les… il y en avait bien. Moi je suis sûre et certaine que des enfants ont été adoptés directement mais il y a très, très longtemps. Même moi quand je travaillais, c’était très réglementé, on avait les bracelets, les machins. Mais les dames qui venaient dans le temps accoucher et qui posaient leur petit comme ça et qui partaient… et ben… je suis sûre qu’il y en a qui… et c’est très bien, mais je suis sûre qu’il y en a qui ont été adoptés directement. […] C’était dans les années après-guerre. Moi j’en ai entendu parler en venant. […] Je pense que c’était au sein même de la… je suis sûre qu’il y en a qui ne pouvaient pas avoir de petit ou qu’importe, qui sont repartis avec un petit qu’ils ont déclaré et que c’était pas le leur. Parce que les suivis de grossesse c’était pas la même chose, vous n’aviez pas de papiers comme maintenant. Des dames ne déclaraient pas leur grossesse. Et moi je connais quelqu’un qui est auxiliaire puéricultrice qui a eu une fille et qui a travaillé à l’Hôtel‑Dieu, son frère est gynécologue à Moulins ou Montluçon ou je ne sais plus où et ce sont des enfants adoptés par des personnes qui travaillaient à l’Hôtel‑Dieu et moi j’ai toujours été persuadée et elle, elle le dit aussi : « maman nous a pris directement à l’hôpital ». Mais ça, c’est pas grave, c’est des enfants qui ont été heureux, avec un foyer et tout.
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L’Hôtel‑Dieu, c’est une histoire de famille…
L’Hôtel‑Dieu, c’est une histoire de famille…Josette, ancienne infirmière
0:2200:00 / 0:22L’Hôtel‑Dieu, c’est une histoire de famille, il faut dire les choses comme elles sont, dans les années 70, lorsqu’on avait quelqu’un en place qui était bien noté, on rentrait sans qualification, ma cousine est rentrée grâce à mon papa, comme moi, c’était presque la règle…
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La cour d’honneur et sa fontaine qui en a vu de toutes les couleurs…
La cour d’honneur et sa fontaine qui en a vu de toutes les…Nicole, 65 ans, infirmière
0:3700:00 / 0:37La cour d’honneur et sa fontaine qui en a vu de toute les couleurs, elle était bleu, je parle de l’eau, rouge avec du mercurochrome, mais c’était quand les internes faisaient la fête. Les fêtes de l’internat il y a 40 ans c’étaient autre chose que maintenant….c’étaient orgiaque….on faisait n’importe quoi…On volait le dromadaire du zoo du Puy de Dôme et ils l’avaient descendu à l’internat…ils étaient venu avec des chèvres….c’étaient bon enfant.
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Les Catherinettes, on venait au self ou ça s’est terminé dans les greniers…
Les Catherinettes, on venait au self ou ça s’est terminé dans les…Carmen, 79 ans, ancienne infirmière
0:2500:00 / 0:25Les Catherinettes, on venait au self ou ça s’est terminé dans les greniers. On amenait à boire et à manger, on faisait la fête. On invitait les internes, on disait « y a une urgence » ils venaient. L’aumônier aussi était de toutes nos fêtes, à l’époque.
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Les internes faisaient leur petit truc…
Les internes faisaient leur petit truc…Carmen, 79 ans, ancienne infirmière
0:3700:00 / 0:37Les internes faisaient leur petit truc. D’ailleurs, ils faisaient dans la cour là-bas et les malades ne pouvaient pas dormir de la nuit. Une nuit, ils avaient brûlé tous les panneaux des médecins, en bois. Un malade sonne et dit « venez vite, il y a le feu ». Ça avait bardé ! Ils faisaient beaucoup la fête, eux. De mon temps ; ils venaient auprès des infirmières dans les services, apprendre à faire les piqures. Mais ça n’a pas duré longtemps.
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Même du temps des bonnes sœurs, les morts que l’on faisait sortir la nuit, ils étaient vivants…
Même du temps des bonnes sœurs, les morts que l’on faisait sortir…Carmen, 79 ans, ancienne infirmière
1:2900:00 / 1:29Même du temps des bonnes sœurs, les morts que l’on faisait sortir la nuit, ils étaient vivants ! Si on glissait un bon billet… parce qu’il faut payer pour ramener un corps donc les familles, si les malades mourraient surtout la nuit ça se voyait moins, elles voulaient sortir leur malade discrètement. C’était interdit mais on le faisait. Des fois ils les emmenaient quand ils étaient mourant, mais le problème c’est que des fois ils nous le ramenaient au bout de huit jours. Parce que quelqu’un qui est pas bien, quand il se retrouve chez lui, il a un petit sursaut […] et donc ils nous les ramenaient […] Il y en a qui habitaient à 50 km, à la campagne alors il s’était formé un petit trafic, là. Du temps des bonnes sœurs si elles étaient bien payées, elles les laissaient sortir sinon elles hésitaient. Donc il fallait qu’on leur laisse la perfusion et tout comme si ils étaient vivants. Parce que si l’ambulancier se faisait arrêter en route, il pouvait toujours dire qu’il venait de décéder dans l’ambulance. […] Quand les Sœurs sont parties, il fallait des ambulanciers qui soient aussi dans la combine, donc… et bien les autres ambulanciers étaient jaloux, donc ça s’est arrêté. Mais c’était pour rendre service aux gens.
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Moi j’étais assez fauchée à l’époque…
Moi j’étais assez fauchée à l’époque…Andrée, 71 ans, aide-soignante
0:3300:00 / 0:33Moi j’étais assez fauchée à l’époque j’étais jeune et je me souviens que – je pense qu’elle devait fermer les yeux Melle Portier mais c’était interdit bien sûr de manger à la tisanerie. Mais comme moi j’avais pas d’argent pour descendre manger un repas, et bien ils me gardaient mon assiette dans un coin. […] Y’en avait un qui se mettait un peu de garde sur le côté et j’arrivais à manger mon assiette.
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On n’avait pas d’eau non plus d’ailleurs…
On n’avait pas d’eau non plus d’ailleurs…Carmen, 79 ans, ancienne infirmière
0:1600:00 / 0:16On n’avait pas d’eau non plus d’ailleurs, à l’étage, on courait dans le couloir avec deux sauts d’eau en criant : « Attention, voilà l’eau courante! »
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On se connaissait tous, il y avait une excellente ambiance…
On se connaissait tous, il y avait une excellente ambiance…Carmen, 79 ans, ancienne infirmière
1:2300:00 / 1:23On se connaissait tous, il y avait une excellente ambiance. Parce qu’on était tous là. Il n’y avait pas Saint-Jacques, il n’y avait rien. On n’était pas nombreux. Il y avait beaucoup de travail physique à l’époque, donc on s’aidait. Quand on avait moins de travail sur son service, on allait aider. Aujourd’hui c’est très sectorisé. J’ai passé 3 ans à Estaing parce que j’accompagne quelqu’un qui a de gros problèmes et… il y en a une qui m’a dit « mais ici aussi c’est l’Hôtel‑Dieu» ; j’ai dit « non madame, ça n’aura jamais rien à voir avec l’Hôtel‑Dieu». C’est vrai qu’ici il y avait une ambiance particulière. Je ne sais pas pourquoi, tout n’était pas parfait. Il y avait des accrochages aussi entre nous. […] Je ne dis pas que c’était le paradis mais on s’entraidait. Moi je me suis retrouvée catapultée la nuit, jeune infirmière, quand vous avez 50 ou 100 malades sous votre responsabilité, c’est beaucoup de stress. On ne sait pas tout et bon ben j’allais voir une collègue ancienne, je lui demandais et y avait pas de souci. Elle se déplaçait. C’était les aides, des fois il y en avait des biens, des fois il y en avait… il n’y avait pas de diplôme à l’époque, d’aide-soignante, donc c’était des ASH qui aidaient, donc il y en a qui étaient plus ou moins performantes.
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Pour l’anecdote, les copains internes de ma sœur qui était interne à l’Hôtel‑Dieu…
Pour l’anecdote, les copains internes de ma sœur qui était interne…Thierry, 59 ans, habitant de Clermont‑Ferrand
2:1700:00 / 2:17Pour l’anecdote, les copains internes de ma sœur qui était interne à l’Hôtel‑Dieu me faisaient des certificats médicaux parce que je détestais la gymnastique. Chacun des internes amis de ma sœur me faisait un certificat médical pour que j’évite la gymnastique. Et j’étais dans un pensionnat privé qui gardait mes certificats médicaux. Notamment ils ont gardé celui du dermatologue, parce que ils m’ont dit « mais en quoi un problème dermatologique peut vous empêcher de faire de la gym ?? » Et le plus beau que j’ai fait, mais celui-ci est d’ontologie parce que j’ai su récemment qu’il était toujours encadré dans la salle des profs à Godefroy le Bouillon… c’est le médecin, qui à l’époque était responsable du service de médecine légale qui a fait un certificat disant que mon état de santé ne permettait aucun effort sportif. Et ça venait de l’IML !!! Et comme m’a dit le prof de gym : « effectivement, si vous en êtes là, vous n’allez pas bien du tout » (rires) !!! Il fallait qu’il soit couvert juridiquement de mes absences de gymnastiques donc je faisais faire des certificats par tous les copains de ma sœur. Et à l’époque je les payais pour ça. D’une façon très étrange : je vous parle des années 75-76, donc il n’y avait pas tout le système de photocopie-reprographie actuel, et en fait je recopiais certains manuels de médecine pour eux. Notamment des manuels d’anatomie. Je recopiais les annotations des planches anatomiques. Ça pouvait être franchement horrible (rires) !! Mais je les payais comme ça ! Et récemment j’en ai vu un, et je lui ai dit « n’oublie pas que si tu as eu ton diplôme c’est grâce à moi, parce que c’est moi qui recopiais les cours ! »
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Quand on était de garde, surtout la nuit, c’est toujours mieux la nuit, l’ambiance n’est pas la même…
Quand on était de garde, surtout la nuit, c’est toujours mieux la…Josette, ancienne infirmière
1:0000:00 / 1:00Quand on était de garde, surtout la nuit, c’est toujours mieux la nuit, l’ambiance n’est pas la même, on se retrouvait tous ici (une salle) pour les repas, il y avait une douche, un vestiaire, et pour développer les radios, alors on mangeait là, on se déshabillait, toujours dans une bonne ambiance, et vous voyez il y a encore cette phrase inscrite sur les murs au-dessus de l’évier, « les tasses et les bols ne doivent pas descendre à l’étage du dessous merci », car ici c’était plus le personnel, en bas les médecins, et le personnel faisait sa vaisselle, mais les médecins non, et alors en bas il y avait des montagnes de vaisselle et les employés ici ne voulaient pas faire celle des médecins, donc quand ils n’avaient plus rien de propre et bien ils venaient et ils prenaient notre matériel, et elles n’étaient pas contentes.
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Une fois, un malade décède…
Une fois, un malade décède…Carmen, 79 ans, ancienne infirmière
1:3000:00 / 1:30Une fois, un malade décède. Et on les habillait, avec les bonnes sœurs. On était en train d’habiller ce monsieur et il y avait la famille. Et je ne sais pas pourquoi, on a pris un fou rire parce qu’on ne savait pas faire le nœud de cravate. C’est tout bête. Et quand on sait qu’il ne faut pas rire, c’est pire. On a eu un mal fou à pouvoir ressortir et être compatissants avec la famille. Ça a été terrible. Et une autre fois, c’était une clocharde. Là pareil, on a pris un fou rire monumental. Elle était complètement déshydratée, desséchée. Elle était froide bien avant de mourir mais elle ne mourrait pas. […] La relève arrive, on dit « on va aller voir » et elle était décédée enfin. On se dit « on se dépêche, on va la préparer ». On enlève l’oreiller, le deuxième oreiller. Elle restait assise. Et bien sûr on a pris un fou rire parce qu’on appuyait sur les jambes, elle s’asseyait, on appuyait en haut… et on a pris un fou rire monumental. Et quand on est sorties il y avait un vent terrible et on a dit « et bien avec le vent qu’il fait elle doit être là-haut ». Et elle nous avait dit « je vous ferai une gâterie avant de m’en aller ». Ben j’ai dit « elle nous a fait la gâterie ». On avait bien bossé toute la nuit, on était fatiguées, et des fois on prend des fous rires.